Page principale  |  Galerie virtuelle  |  Galerie DEM  |  Téléchargements  |  Liens  |  L'image

L'image numérique

Images et sociétés

Notre monde fourmille d'images. Il n'est guère de lieux, d'espaces, de machines où l'image ne soit présente. Les images sont partout pour nous informer, nous faire découvrir des mondes invisibles, nous avertir, nous divertir, parfois pour être contemplées et nous faire rêver. Aujourd'hui, l'ordinateur permet non seulement de créer de nouvelles images et de les multiplier, mais aussi de les faire varier à l'infini.

La fascination des images

L'image hésite entre l'imaginaire et la réalité : elle ressemble à son modèle et pourrait fort bien le remplacer, d'où la trouble séduction qu'elle ne manque jamais d'exercer.

Technique et image

La part prise par la technique dans la fabrication des images est aujourd'hui prépondérante. Ce qui frappe dans les images numériques, ce sont les automatismes qui président à leur élaboration.
Le cinéma, la télévision, la vidéographie ont creusé, pour l'image en mouvement, le sillon ouvert par la photographie : produire et diffuser toujours davantage d'images.
Les images numériques s'inscrivent bien dans cette lignée. Cependant, elles inaugurent une ère nouvelle riche de particularités

L'image et le calcul

Le calcul résume bien l'étrange nouveauté des images numériques. Que le support d'inscription soit chimique ou bien électronique, la chambre noire reste le principe de base des images qui reproduisent directement, par saisie optique de la lumière, un fragment de la réalité. Avec les algorithmes de l'ordinateur, c'est le calcul qui se trouve enrôlé pour imiter tout à la fois la saisie optique et l'enregistrement physique. En effet, les systèmes infographiques simulent la chambre noire. Les rayons de lumière ne viennent plus réagir directement sur un support mais sont traduits et mémorisés sous la forme de codes binaires.
Avec la numérisation, toutes les images - celles déjà existantes qui seront digitalisées et celles créées ex nihilo à l'aide d'un ordinateur - sont décrites avec le même codage. Aussi, toutes ces images peuvent être contrôlées avec une précision jamais atteinte puisque le plus petit élément constitutif de l'image, le point ou pixel peut faire l'objet d'un traitement distinct.

De nouvelles sortes d'images

Alors que la photographie atteste bien de ce qui a été, les images informatiques ne sauraient fournir le même type de certitude. Point d'original avec le numérique puisque chaque pixel est une série de 0 et de 1 modifiable à merci : chaque traitement d'image génère une image nouvelle, propre, lisse et sans passé.
Si les images informatiques ne reflètent plus forcément la réalité au même titre que les images photographiques ou vidéographiques, en revanche, elles nous en apprennent beaucoup, mais tout autrement, sur la dite réalité. L'imaginaire humain s'emparant du calcul est alors en mesure non plus seulement de représenter la réalité, mais de la simuler. En effet, nous verrons que le modèle numérique de l'image de synthèse décrit aussi bien les apparences d'un objet que sa structure et son fonctionnement. En ce sens, l'image de synthèse transcende bel et bien la simple représentation en proposant une simulation de la réalité.

Les images de synthèse

L'accroissement des capacités de mémoire et des vitesses de calcul, permettent aujourd'hui d'obtenir un réalisme de type photographique. Ce but fut atteint au début des années quatre-vingt grâce à une lente synergie entre divers secteurs de la communauté informatique et scientifique.
La position de chaque point est définie par ses coordonnées dans un plan orthonormé. Pour passer à un espace en volume, il suffit d'ajouter les coordonnées du même point sur l'axe de la profondeur (la troisième dimension). Ainsi, une image peut être décrite dans son volume à l'aide d'expressions mathématiques. Cette phase de la modélisation dite en " fil de fer " consiste à décomposer des formes complexes en d'innombrables formes géométriques simples.
L'image fil de fer est un dessin vectoriel composé de dizaines de milliers de petits polygones reliés les uns aux autres. Ces polygones tissent la surface de l'objet, et plus il y aura de polygones, plus l'image finale sera réaliste.
Mais, avec le nombre des polygones, c'est la quantité de calculs qui augmente à son tour. De la puissance de calcul dépend encore et toujours le réalisme de l'image !

Toujours plus de réalisme

La représentation en trois dimensions, aussi riche soit-elle, n'est qu'un préalable au réalisme. Il reste à se préoccuper de l'apparence visuelle du modèle. Or, au contraire de la géométrie, la nature est tout sauf régulière.
Un visage humain, un champ de blé ou les aspérités d'une montagne ne se laissent pas facilement déduire des raisonnements issus des mathématiques. Pour surmonter ces difficultés, des programmes spécialisés ont été conçus pour engendrer de l'irrégulier ou du flou. Ces programmes s'appuient sur la notion de l'aléatoire, du hasard.
Benoît Mandelbrot a ainsi imaginé, dès 1975, des formes fractales qui parviendront plus tard à rendre crédibles des images trop visiblement géométriques. Pour ce mathématicien, l'un des buts de la géométrie fractale est de " cerner la complexité hasardeuse de la nature " au moyen d'une répétition de formes irrégulières. Ainsi les fractales sont-elles dotées d'une structure initiale simple qui, répétée des milliers de fois et à des échelles invariables, produit, par exemple, des images convaincantes d'une forêt au soleil couchant.
La géométrie fractale de Benoît Mandelbrot repose sur la répétition récurrente d'algorithmes relativement simples dont on modifie à chaque itération un ou deux paramètres. Les images ainsi produites représentent soit des formes à vocation réaliste soit des formes purement imaginaires. Une fois que l'infographiste a décrit la structure fil de fer de son image, il va attribuer des couleurs et des textures à différentes facettes du ou des objets représentés. Il devra ensuite s'attaquer au problème de la lumièreet des ombres sur les matières. Question centrale de tout art pictural, à laquelle l'ordinateur répond par son génie propre : le calcul.
La lumière numérique, entièrement issue du calcul, reste abstraite. Elle n'est pas encore visualisable. Il faut donc la faire apparaître selon un point de vue, celui à partir duquel le modèle numérique sera enfin regardécomme un spectacle. Ce point de vue est fixé à l'aide de nouvelles coordonnées qui permettront de recalculer la scène et, dans le cas d'un volume, d'en faire disparaître les faces cachées. Le même principe est utilisé pour parvenir, image par image à une animation. Le point de vue obéit alors à une trajectoire et à partir de laquelle les différentes faces du modèle seront positionnées les unes par rapport aux autres, donnant l'impression visuelle d'un mouvement de caméra. Il ne s'agit bien sûr que d'une impression, puisque cette caméra n'existe pas, la chambre noire et la perspective étant simulées par le calcul.

Image de synthèse et art

C'est d'abord un modèle mathématique que les artistes doivent concevoir. Il en résulte une certaine perte de liberté pour l'artiste, car c'est le programme de la machine qui engendre la dimension plastique de l' oeuvre. Ainsi, le numérique sert d'outil et de matériau à des oeuvres dynamiques dont l'apparence visuelle est en partie aléatoire et imprévisible. Pour autant, l'émotion que peut susciter une oeuvre ou ses qualités plastiques ne proviennent pas du hasard des calculs, mais du travail de l'artiste sur les algorithmes.
La simulation informatique ne se cantonne pas à imiter les ressorts de la réalité, elle est en mesure de générer des êtres et des mondes artificiels surgis ex nihilo de l'ordinateur. C'est pour cette raison que certains artistes ont ouvert un dialogue avec les mathématiques pour explorer les artefacts poétiques qui peuvent surgir de la machine

Le droit d'auteur en question

Sur un autre plan, la numérisation des images a pour conséquence de poser la question du statut même de l'auteur. En effet, le codage binaire assure très grande fluidité à la circulation des images sur CD-Rom ou sur Internet. Ainsi, dès lors que les données numériques d'une image sont accessibles à un ordinateur, il devient facile de les copier, voire de se les approprier en les transformant quelque peu. Ces opérations pouvant s'effectuer à l'insu de l'auteur, ses droits financiers et moraux ne peuvent qu'en souffrir. Ce qui rend possible cette esthétique du mélange et de la manipulation des images fragilise, en même temps, la position du créateur. Et les menace de pillage sont d'autant plus grandes que les protections nationales dont jouissent les auteurs sont différentes entre elles et inadéquates au regard des réseaux planétaires en temps réel, qui ignorent les frontières.
Ce problème n'est pas spécifique à l'image mais touche l'ensemble des supports numérisés, qu'il s'agisse de texte ou de son. Parmi les musiciens une difficulté similaire a surgi avec l'arrivée des synthétiseurs digitaux et du samplage. Cette technique consiste à copier un son enregistré par un musicien pour le réutiliser dans une nouvelle orchestration. Le débat fait rage, qui oppose les partisans d'une totale liberté d'usage, au nom de la créativité, aux conservateurs qui préfèrent s'en tenir au statu quo juridique et instaurer un contrôle strict des échanges. Quoi qu'il en soit, en l'absence d'un système d'identification efficace, la législation du droit d'auteur peine à s'adapter. Derrière cette question, une autre se profile, moins visible mais tout aussi importante, qui concerne l'engagement personnel dans ce que l'on fait ou dit. Avec la dissipation de la notion d'auteur, un risque existe de voir la responsabilité de ce qui est mis en circulation se dissoudre dans les méandres du cyberespace.

Un nouvel imaginaire ?

Qu'il s'agisse de la peinture, de la photographie ou de la vidéo, les images de synthèse ont bel et bien absorbé en les simulant toutes les images optiques et mécaniques. Mais elles n'ont pas pour autant une origine visuelle. En ce sens, la généralisation du numérique annonce la fin d'une période où l'image naissait d'un regard sur le monde. Pendant près d'un siècle et demi, la photographie, le cinéma et la télévision ont en effet, chacun dans son champ respectif, contribué à façonner l'imaginaire contemporain en faisant coïncider l'image et le réel.
Ce n'est plus la perception documentaire du monde qui nourrit les imaginaires, mais l'exhibition des fantasmagories. Le numérique s'impose ainsi comme le support par excellence du décryptage des mondes surnaturels et des archétypes oniriques. Salvador Dali auraient-ils renié le support numérique?

Une autre perception du monde

Au delà de la représentation, la simulation d'une réalité à travers l'imaginaire permet surtout d'en éprouver la complexité. La réalité est moins dangereuse lorsque peut être efficacement simulée et les risques qui lui sont inhérents éliminer. En CAO, dans le domaine de l'architecture, les prouesses de la synthèse d'image sont telles qu'aujourd'hui certaines sociétés peuvent vendre des constructions qui n'existent pas, sinon à l'état de maquette numérique mais que l'on peut visionner dans les moindres détails. Du laboratoire scientifique où elles deviennent des outils d'observation aux parcs d'attraction virtuels où elles tiennent lieu de décors exotiques les images de synthèse semblent parfois disqualifier une réalité jugée trop complexe, trop éloignée, trop résistante à la volonté de maîtrise des hommes.
De ce point de vue, les images numériques sont génératrices de confusion en identifiant comme jamais l'image et le réel. L'interactivité avec les images informatiques ne nous initie-t-elle pas, subrepticement, à l'irresponsabilité, à la fuite et au refus de toute confrontation authentique avec autrui ? N'oublions pas que l'image entre en résonance avec la réalité qu'elle évoque et dissimule. De là proviennent son pouvoir et son mystère.


Extraits du livre de Pierre Barboza " Les Nouvelles Images " aux editions d'art Somogy
Ce livre est au catalogue Amazon.fr



Retour vers le site de Montagne 3D